#11 – Charles Rozoy, ou l’accomplissement d’un vieux rêve
Champion
du monde de l’entraînement
Du plus loin
qu’il se souvienne, Charles Rozoy a voulu devenir champion olympique. Il ne
savait pas dans quelle discipline mais c’est un rêve auquel il n’a jamais
renoncé. Alors qu’il accompagne ses voisins qui vont s’entraîner à la piscine
de la Fontaine d’Ouche dans la banlieue de Dijon, il se voit invité par leur coach
à les rejoindre dans la ligne d’eau. Il a alors 6 ans et cet entraîneur, Éric
Lebourg, va lui donner le goût de la natation et de l’entraînement. Son rêve
prend forme lorsqu’il intègre sport études. Fort de ses bons résultats, Charles
Rozoy rejoint ensuite le pôle France de Dijon où il s’entraîne avec Sylvain
Fréville, une rencontre décisive dans l’accomplissement de son rêve. « Je
m’entraîne alors 2 fois par jours plus la musculation, raconte Charles
Rozoy. 3h le matin, 2h l’après-midi. » Malgré cet investissement,
les résultats ne suivent pas. « J’étais le champion du monde de l’entraînement. »
Alors, Sylvain Fréville lui tient un discours de vérité. « Il m’a
dit : soit tu fais un podium aux championnats de France ou un temps de
référence internationale, sois tu es viré. »
« Ce
n’était pas lui rendre service de l’entretenir dans une illusion, explique Sylvain
Fréville. Il fallait le mettre face à ses responsabilités, c’est le rôle
d’un entraîneur. ». Charles termine 4e des championnats de
France et à 2 centièmes du temps international. Sylvain Fréville tient parole. Charles
Rozoy quitte le pôle France la mort dans l’âme. Il a 18 ans. « C’est un
monde qui s’écroule, dit-il, j’ai fait une dépression, j’ai pris 30
kilos, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie. » Il
s’inscrit sans conviction en médecine. « Ça n’a pas duré longtemps. J’ai
passé mon brevet d’état de canoé kayak en candidat libre, un sport que je
pratiquais aussi depuis l’enfance. Grâce à cela, j’ai intégré une 2e
année de STAPS. Et puis j’ai repris la natation mais pour le plaisir. Je
nageais entre midi et deux. Juste pour moi. Mais je m’envoyais vraiment. »
C’est ainsi,
en s’entraînant seul, sans pression, qu’il va retrouver le goût de la haute
performance. Sylvain Fréville lui tend la main. Charles Rozoy devient champion
de France du 50m papillon. Il peut croire à nouveau à son rêve.
Fatale
glissière
Mais voilà,
celui-ci va se fracasser un soir d’été sur une maudite glissière de sécurité.
Le 26 juillet 2008, quelques semaines après son titre de champion de France,
Charles rentre en moto après sa journée de travail de saison comme maître-nageur.
Las, un chauffard le heurte et l’envoie contre une glissière de sécurité avant
de prendre la fuite. Les nerfs de son bras gauche sont sévèrement touchés,
arrachement du plexus brachial, la même blessure que Jamel Debbouze, il ne
pourra plus se servir de son bras… Cette fois, pense-t-il, son rêve des Jeux
Olympiques est désormais brisé. L’épreuve est terrible à accepter. Il est sur
son lit d’hôpital lorsque Alain Bernard devient champion olympique du 100m à
Pékin. Ce dernier lui envoie un petit message de soutien depuis le village
olympique…
S’en suit une
longue rééducation. « Mon kiné n’avait pas de piscine alors
j’allais faire des exercices dans la piscine municipale. C’est alors que
j’entends des gamins qui discutent à mon propos : t’as vu, c’est Rozoy,
avant il était super fort mais là, il est fini, il ne fait plus que de
l’aquagym…. Ça été un choc. On m’a alors parlé du handisport. Mais
j’ai dit non, le handisport pour moi, c’était pour les handicapés… Et puis j’ai
fini par accepter ma situation et je suis allé voir mon coach. Je lui ai
dit : je veux être champion paralympique. » Sylvain Fréville accepte mais
à une condition. « J’entraîne un athlète, lui dit-il, pas un
handicapé. » Les deux hommes se mettent au travail en janvier 2009.
Avec acharnement. « Il fallait trouver des solutions pour nager avec un
seul bras », raconte Sylvain Fréville, aujourd’hui responsable de la
formation à la Ligue de natation de Bourgogne. En juin, Charles Rozoy décroche
le titre de champion d’Europe du 100m papillon grand bassin et en décembre il
est sacré à Rio, champion du monde en petit bassin. Le rêve reprend forme. Les
Jeux Paralympiques de Londres approchent. L’adversité vient des nageurs chinois
ainsi que d’un Russe qui, lui, nage avec ses deux bras, son handicap est lié à
l’une de ses jambes ce qui est beaucoup moins pénalisant pour le papillon. Mais
peut-on étouffer un si vieux rêve ?
« Les
Jeux Olympiques de Londres se sont disputés juste avant les Jeux Paralympiques,
explique Charles Rozoy, je n’ai écouté aucune Marseillaise lorsqu’un
Français gagnait, à chaque fois je quittais la pièce ou j’éteignais la télé. Je
voulais que la Marseillaise résonne pour moi. » Plus rien ne peut
empêcher Charles Rozoy d’accomplir son destin.
La course est âpre. Le Russe a pris les devants mais dans le deuxième 50m, Charles revient au courage, fort d’une volonté de toujours, ce projet d’être là, à cet instant, au meilleur de lui-même. Charles Rozoy a rendez-vous avec lui-même. Dans les gradins Sylvain Fréville a lâché son chronomètre, il hurle, pousse, nage avec celui qui est devenu son ami. Charles Rozoy donne tout ce qui est possible de donner. C’est la victoire ou rien.
Grâce à un énorme finish, il devient ce 30 août 2012, champion paralympique. Charles Rozoy est là où il a toujours voulu être. Sur la plus haute marche du podium avec l’hymne national pour lui… « C’était étrange, j’avais tellement idéalisé le fait d’être champion paralympique que lorsque c’est advenu, j’ai été surpris d’être toujours le même. Cela ne changeait rien, j’étais juste Charles Rozoy. Rien d’autre. Je n’avais pas de super pouvoirs… Le soir je me suis retrouvé dans la chambre au village paralympique avec Sami El Gueddari (qui sera 5e du 50m nage libre), je lui ai fait part de ce sentiment. Il m’a alors répondu : ce titre sera ce que tu voudras en faire… Il avait raison. » La nuit sera douce. Le coach, lui, est également redescendu sur terre. « C’était sa victoire, nullement la mienne, moi je me suis juste dit que l’on était allé au bout du projet. » Le devoir de l’un, le rêve de l’autre, accomplis.
Aujourd’hui, Charles reprend la compétition et espère se qualifier pour se rendre à Tokyo l’été prochain. À suivre…
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